| En 1910, sous l'empire Ottoman, une femme turque, Halide Edib, osa 
              divorcer de son époux parce qu'elle s'opposait à la 
              polygamie. A cette époque, cette décision était 
              considérée comme un acte de bravoure quand l'égalité 
              des droits entre les hommes et les femmes représentait encore 
              un rêve lointain dans la société turque
 Cette démarche poursuivait, pourtant, le lent 
              chemin commencé 53 ans plus tôt, en 1857, lorsqu'une 
              nouvelle loi donna l'égalité entre les garçons 
              et les filles sur les droits d'héritage. Depuis, beaucoup 
              de choses ont changé en faveur de l'émancipation des 
              femmes turques jusqu'à ce début de 21ème siècle 
              où elles doivent encore faire entendre leurs voix pour gagner 
              des droits fondamentaux qui ont été tour à 
              tour reconnus puis bafoués durant des décennies. Malgré 
              un état des lieux apparemment positif, et il l'est sous certains 
              aspects notamment en ce qui concerne les bonnes volontés 
              et les bonnes intentions émises par le gouvernement turc 
              pour endiguer les différentes discriminations encore actives 
              à l'égard des femmes, la réalité est 
              bien moins réjouissante. Lorsque nous nous intéressons de plus près 
              au code pénal en vigueur, quelques textes de lois nous montrent 
              clairement que les femmes turques sont bien moins protégées 
              que nous pourrions l'espérer. En effet, selon la loi, le 
              crime sexuel à l'égard des femmes est considéré 
              comme " une attaque contre la décence publique et l'ordre 
              familial " alors que tous les autres crimes bénéficient 
              de l'intitulé " attaque contre la personne humaine " 
              ! De même, les abus sexuels commis sur des femmes non vierges 
              sont perçus par la justice et l'opinion publique comme moins 
              sérieux que ceux perpétrés sur des filles ou 
              des femmes ayant encore leur virginité. En outre, une femme 
              violée ne peut engager de poursuite contre son agresseur 
              que si elle arrive à prouver qu'elle était vierge 
              avant le viol ! Pour cela, elle aurait dû passer " un 
              test " de virginité, couramment pratiqué en Turquie, 
              aussi bien par les policiers que par les membres mêmes de 
              la famille proche de la fille. Les premiers s'en servent, souvent, 
              pour s'adonner à des sévices et des abus sexuels sur 
              celles qui ne sont plus vierges, les seconds l'utilisent, parfois, 
              pour assassiner leur fille qui aurait bafoué l'honneur de 
              la famille. D'autres femmes, dans un geste de désespoir, 
              tentent de se suicider après avoir subi ce " test " 
              dégradant ou même avant parce qu'elles vivent dans 
              la crainte de représailles. La police joue un rôle déterminant dans 
              la pérennité de la violence qui s'exerce sur les femmes 
              turques. Ils sont les premiers à les torturer, les violenter, 
              les abuser sexuellement suite à leur arrestation pour cause 
              de prostitution ou pour une marche pacifique en faveur des droits 
              humains. Si elles parlent de leur séjour douloureux en détention, 
              à la radio ou à la télévision, elles 
              sont arrêtées de nouveau
 Et les policiers n'ont 
              pas à se justifier de leurs actes de discrimination à 
              l'égard des femmes. Dans ce contexte, la violence domestique touche un 
              tiers des foyers turcs et l'analphabétisme chez les femmes 
              reste important dans un pays qui a toujours favorisé l'éducation 
              des garçons à celle des filles. Quel est le sort réservé, 
              alors, aux femmes de minorités ethniques ou rurales, telles 
              les Kurdes ? Petit rayon de soleil dans ce ciel assombri, la femme 
              bénéficie d'une forte présence dans le secteur 
              du travail et perçoit un salaire équivalent à 
              celui des hommes pour un travail identique. Faible compensation 
              qui a le mérite, tout de même, d'être effective
 Caressant le rêve de faire un jour partie de 
              la communauté européenne, le gouvernement turc, qui 
              présente depuis plusieurs années sa candidature, s'engage 
              à multiplier les réformes et les révisions 
              de lois trop discriminatoires à l'égard des femmes 
              ou portant atteinte directement aux droits humains. Un rêve 
              qui pourra devenir réalité lorsque les bonnes intentions 
              se changeront en actes par des mesures concrètes, durables 
              et sans réserves !
 Thierry Robin - avril 2000
 
 Sources : ONU, US Dept, www.toture-museum.com, 
              Feminist news, Turkish criminal code
 
 
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