Déchiré par une guerre civile
de plus de 25 ans (date proclamée de l'indépendance)
particulièrement violente et meurtrière opposant les
forces armées gouvernementales du président Joseph
Eduardo dos Santos à celles de l'UNITA dirigées par
Jonas Savimbi, l'Angola reflète à lui seul le malaise
profond de l'Afrique nouvellement décolonisée qui
semble poussée à trouver son identité au travers
de conflits internes et dans le non-partage des richesses trop synonymes
de pouvoir. Les femmes angolaises, elles, témoignent à
la fois de souffrances profondes mais aussi d'une force et d'une
détermination contenues dans l'espoir de l'édification
d'une nouvelle société apaisée et équitable.
Depuis 1998, plusieurs processus de paix, destinés
à radicaliser la situation en Angola, ont échoué.
La communauté internationale, avec l'ONU comme représentant,
apportant son soutien au Président actuel et demandant à
l'UNITA d'abandonner la lutte armée pour la conservation
de ses positions géographiques juteuses (mines de diamants,
pétrole), n'a fait qu'attiser un feu qui avait déjà
causé la mort ou le déplacement de milliers de civiles.
Le combat pour le contrôle des richesses souterraines est,
en grande partie, la cause du malheur des angolais auquel les mêmes
intérêts économiques mondiaux ont apporté
leur part de complicité dans les exactions commises pour
des "barils" ou des "carats" de dollars.
Aujourd'hui, après la multitude d'essais en
faveur de la paix entrepris depuis 10 ans, des accords semblent
possibles uniquement parce que le gouvernement et son armée
ont repris le contrôle de l'exploitation de la grande majorité
des mines de diamants et des concessions pétrolières.
Dans ce contexte encore brûlant et instable,
les femmes ont traversé ces 20 années comme le font
toutes les femmes en pareille situation. Utilisées dans les
manuvres militaires comme porteuses, infirmières, éléments
de pressions civils, la majorité d'entre elles ont subi la
violence soit en tant que spectatrices de massacres organisés,
soit en tant que victimes directes : viols collectifs, tortures...
A ceci, il faut ajouter les problèmes humanitaires de base
tels que la malnutrition et le manque de soins dont elles ont subi,
avec leurs enfants, les conséquences dramatiques.
Nous pourrions, en effet, nous arrêter sur
l'analyse de la condition des femmes angolaises au sein de cette
guerre intestine : les cas se résumeraient tous aux mêmes
formes de violences communes en de telles périodes. Or, s'il
faut reconstruire un pays de partage et de paix, il paraît
plus judicieux de se pencher sur ce que sera la place de la femme
dans la future société angolaise reconstituée.
Passablement représentée au sein du
gouvernement, dont le président lui-même s'est proclamé
Premier ministre, elles occupent toutefois un nombre non-négligeable
de cabinets et de sièges. La constitution établit
clairement l'égalité entre hommes et femmes devant
les lois et les institutions. La CEDEF a également été
ratifiée en 1986. Mais, en pratique, certaines lois coutumières
et discriminatoires qui avaient cours du temps de la colonialisation
portugaise demeurent et entravent concrètement des mesures
théoriques qui avaient été prises en pleine
crise intérieure. Ainsi, des mariages précoces ont
encore lieu, avant même l'âge de la puberté.
Beaucoup de femmes, surtout vivant en zones rurales, sont toujours
reléguées à assurer la subsistance de la famille
avec des moyens ridicules et selon une tradition partiale en s'adonnant
notamment à la culture des champs ou en parcourant quotidiennement
des dizaines de kilomètres afin de trouver de la nourriture.
Cette activité précise est à l'origine de graves
accidents où le nombre de femmes qui se retrouvent handicapées
par l'explosion de mines déposées dans les champs
ou sur les voies de communication est plus important que celui des
hommes, alors engagés plus directement dans le conflit. Pour
celles qui ont la chance d'avoir un emploi plus valorisant dans
les agglomérations, les conditions de travail sont parfois
difficiles et les salaires qu'elles perçoivent restent souvent
inférieurs à ceux des hommes pour une qualification
équivalente.
Aucune femme ne siège à la cour suprême
de justice. Dans les cas toujours plus fréquents de violence
domestique, véritable fléau familial entouré
d'une complaisance due à la situation conflictuelle interne
au pays, les affaires portées devant les tribunaux désavantagent
bien souvent les femmes par rapport aux hommes. En outre, ce genre
de violence n'est pas encore considéré comme un crime
et une atteinte à l'intégrité de la personne
féminine. La création d'un ministère des questions
concernant les femmes en 1997, tente d'apporter des solutions à
ce problème en multipliant, un tant soit peu, des conférences
de sensibilisation ou en faisant pression sur les autorités
du pays pour réviser un code civil discriminatoire datant
de la période coloniale.
La pauvreté, qui s'est répandue aussi
vite que la poudre à canon, concerne aujourd'hui un nombre
considérable d'angolais et d'angolaises au point que les
femmes qui se retrouvent dans des situations très critiques
en arrivent à rentrer dans le cercle infernal de la prostitution
pour faire vivre leur famille...
Pourtant, les curs battant d'espoir des
femmes et des enfants angolais sont à l'image même
des deux richesses incommensurables et souterraines de ce pays :
des diamants purs encore recouverts de l'or noir et visqueux de
dirigeants vénaux, jusqu'au jour où la lumière
les traversera et les fera briller d'un infini éclat.
Thierry Robin - février 2001
Sources : ONU, US dept,
Amnesty, Angolanews, www.asyl.admin.ch
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