L'Irak et le régime de Saddam Hussein seraient-ils en passe
d'acquérir cette fameuse arme nucléaire susceptible
de justifier l'intervention militaire unilatérale dont rêve
une bonne partie de l'administration américaine au pouvoir
? Aucune preuve évidente ne semble, pourtant, pouvoir alimenter,
à l'heure actuelle, cette ambition. Il est vrai que le dictateur
irakien use de toutes les ficelles, perfidies et fausses vérités
pour mettre à l'épreuve l'orgueil des dirigeants américains
et britanniques et pour attiser leur esprit belliqueux.
Aussi, lorsque les différents responsables
de l'administration Bush sont conduits à s'exprimer sur une
nécessaire intervention militaire sur le sol
irakien, les convictions et les invectives personnelles prennent
le pas sur les discours prudents, cohérents et homogènes
qu'une telle situation exigerait. Or, nous avons l'impression d'assister
à la montée d'une mayonnaise politico-militaire saupoudrée
de consultations diplomatiques houleuses entre les différents
dirigeants et porte-parole des grandes nations. L'administration
Bush, la CIA et les Britanniques sont pour ainsi dire sur
le pied de guerre alors que le reste du monde multiplie les
mises en garde face à une intervention militaire de grande
envergure en Irak. Les Chinois, les Russes, les Français
et la Ligue Arabe ont exprimé leur désaccord à
l'égard d'une action militaire imminente vers laquelle les
Américains se dirigeraient allègrement sous le couvert
d'une action préventive.
Jacques Chirac, le président français,
a mis principalement l'accent sur le caractère particulièrement
dangereux de la banalisation d'une telle action dite de prévention,
qui cache en fait une véritable intervention armée
à grande échelle, capable de créer un précédent
militaire dont pourraient profiter ultérieurement des régimes
ambigus et controversés comme la Chine, la Russie, l'Inde
ou le Pakistan.
Devant cette déconvenue, George W. Bush a
accéléré les consultations avec ses homologues
pour essayer de les rallier à sa cause. Qu'à cela
ne tienne ! Tout le monde campe sur ses positions et George W. Bush,
appuyé par son vice-président Dick Cheney, a fini
par déclarer « Les Etats-Unis sont prêts à
agir seuls, s'il le faut ! ».
En ce moment même, le président américain
prépare sérieusement le discours qu'il va prononcer
le 12 septembre prochain à l'Assemblée Générale
des Nations Unies et au cours duquel sa position à l'égard
de l'Irak sera certainement largement évoquée. Puis
il y a, au-delà des batailles politiques, au-delà
des querelles diplomatiques et autres invocations éthiques
quant aux valeurs militaires à respecter, la réalité
des enjeux géostratégiques et économiques.
Faut-il encore rappeler ceux de la guerre du Golf, gardés
secrets aussi bien par le camp irakien que par celui des alliés,
mais connus de tous ? Le pétrole, cette énergie fossile
de plus en plus prisée, dont la possible pénurie ébranle
la stabilité des pays qui en consomment le plus. Faut-il
se remettre en mémoire le scénario catastrophe vécu
par l'un des plus grands exploitants et producteurs de pétrole
du monde, la firme texane ENRON ? Il y a également la vieille
revanche du père Bush désireux de démanteler
l'arsenal irakien en même temps que de renverser le régime
de Saddam Hussein pour y mettre à la place un allié
soumis, action qu'il n'a pu accomplir du temps de son mandat. Et
il existe sûrement d'autres raisons qui nous dépassent
et que nous ne découvrirons que bien plus tard, si nous les
découvrons un jour !
Mais s'il y a des enjeux à défendre
et que tout homme politique oublie définitivement, à
un moment ou à un autre, lorsqu'il s'agit d'envisager un
conflit militaire, c'est bien l'enjeu humain. Celui-ci ne rassemble
que des pacifistes, des humanistes et humanitaires qui ne cessent
de hurler (ils murmuraient encore il y a quelques années)
aux oreilles des dirigeants de ce monde pour attirer leur attention
sur la misère humaine qu'ils génèrent, du haut
de leurs tours de verre, chaque fois qu'ils marchent sur un pays
étranger ou sur leur propre pays au nom du pouvoir et de
valeurs pseudo-démocratiques garants d'une paix mondiale
de plus en plus fragile.
Le peuple irakien est presque mort, son quotidien
est jonché de famines, de maladies connexes à la guerre
du Golf de 1990 touchant principalement les enfants qui naissent
sans yeux, sans bras ou atteints de leucémie et qui meurent
par milliers. Le peuple irakien souffre, à mort. Comment
faut-il le faire comprendre, comment faut-il le dire ? Et suffit-il
de l'écrire ? Et lorsque George W. Bush déclare qu'il
veut renverser le régime irakien, aurait-il l'intention d'inverser
leur régime alimentaire pour arrêter définitivement
la misère, la malnutrition et la mort qui en découle,
inexorable depuis plus de douze ans ?
Thierry Robin - septembre 2002
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