Voici donc trois nuits que les Etats-Unis, appuyés par leur
allié dévoué, le Royaume-Uni, se sont effectivement
réunis pour tenter de vaincre le terrorisme à l'endroit
même où ils estiment qu'il se développe : l'Afghanistan.
Des missiles ont détruit des aéroports et des bases
d'entraînements Talibans dans lesquels les fondamentalistes
distillaient leur enseignement et leur art de la guerre " suicide
". Dans le même temps, à Kaboul, un bureau de
l'ATC, une organisation non-gouvernementale travaillant dans le
cadre du programme anti-mines de l'ONU pour l'Afghanistan a été
détruit, tuant au passage 4 gardes civils d'une agence de
déminage et en blessant 4 autres. " Les dégâts
collatéraux sont le propre même des guerres, il faut
s'y résigner au nom de la liberté, de la paix et de
la démocratie ". Tels sont les propos sans cesse répétés
par les commanditaires d'actions militaires à grande échelle
au nom de la survie de leurs privilèges démocratiques
et surtout économiques. Et puis bon, après tout, des
innocents ont payé de leur vie des actes terroristes issus
du " mal " ! Les morts innocents issus de nos actions
militaires, eux, sont différents. Attention : ils meurent
pour quelque chose au moins, pour le " bien " et au nom
de valeurs hautement humaines
sur le même terrain de
jeu, avec des armes plus puissantes, avec les mêmes convictions,
avec la même haine, avec les mêmes sentiments de vengeance.
Seulement voilà, cette vengeance-ci est légitimée,
sacralisée par un bel avion, puissant, arrogant, volant à
1 000 pieds au-dessus du sol, larguant des missiles baptisés
aux noms des victimes new-yorkaises. Oussama Ben Laden, lui - objectif
premier de ces frappes aériennes - est toujours en vie. Tenez,
au fait, nous ne savions pas que George W. Bush avait finalement
décidé que le millionnaire saoudien, commanditaire
avéré des attentats de New-York, devait finalement
être livré " mort " et non plus " ou
vif " ? La loi du Far West serait-elle bafouée ?
Mais il est vrai que les avions américains
ne lâchent pas que des bombes dans le ciel afghan. Des palettes
entières de vivres sont libérées en pleine
nuit pour apporter réconfort et nourriture à un peuple
décimé par plus de 20 ans de guerre où les
protagonistes changent mais où les victimes restent toujours
les mêmes. Un missile, une palette, en alternance, comme si
cette dernière avait pour mission de faire oublier les actions
meurtrières, aux dégâts collatéraux indéfinis,
entreprises par ailleurs. Tout cela pour s'assurer la maîtrise
du ciel, même pour " faire de l'humanitaire ", alors
que c'est sur terre, une terre aride et inhospitalière, que
l'humanitaire, au sens le plus noble du terme, a besoin de s'exprimer.
Depuis toujours, ce sont les civils qui payent le plus lourd tribut
à la guerre, sourde et aveugle. Des morts innocents ne viendront
jamais redonner la vie à d'autres morts innocents, c'est
un fait. Mais pas plus la mort de coupables. Et sur ce terrain aussi,
l'Afghanistan et les Etats-Unis font jeu égal en regard de
l'application de la peine de mort censée punir le criminel
pour l'extraire définitivement d'une société
inhumaine, quelle soit rompue aux convictions religieuses fondamentalistes
ou aux idéaux économiques extrémistes
Et plus les événements se déroulent
dans le sens de l'inhumain, de l'intolérable, du belliqueux,
plus les fondations de ce monde se fragilisent et ressemblent, à
s'y méprendre, à celles des deux tours jumelles du
World Trade Center fondues par le feu meurtrier de quelques hommes
assoiffés d'une justice issue du néant. Depuis des
siècles que l'humanité érige des modèles
de sociétés, la réponse à l'affront
criminel est inéluctablement la même : des représailles
criminelles. Quand l'esprit humain va-t-il évoluer suffisamment
pour empêcher que de tels schémas d'attitudes empruntés
à la logique de guerre et au désintérêt
profond de l'être humain se reproduisent indéfiniment
? Quand le droit de riposte empreint de vengeance fera-t-il la place
totale et absolue aux droits humains ? Car pour cette fois encore,
on a tapé à côté, causant à l'humanité
des dégâts collatéraux tels que nos lendemains
apparaissent incertains
Le poids de cette humanité là, la future, est déposé
aujourd'hui entre les mains de celles et ceux qui auront su promouvoir,
sans condition, les valeurs sacrées et inaliénables
de la vie ! Plus ils seront à le porter, plus ce fardeau
s'allègera pour ne peser plus que le poids d'une plume
d'ange.
Thierry Robin - octobre 2001
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