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              De par sa situation géographique, l'Islande est un pays de 
              l'extrême. Extrême par son nombre d'habitants qui n'atteint 
              pas les 300 000 et dont les trois cinquièmes peuplent la 
              capitale et son agglomération : Reykjavik. Extrême 
              également dans ce qui constitue le principal secteur économique 
              du pays : la pêche. Plus des trois quarts de l'économie 
              extérieure en dépend. Reste que cette concentration 
              d'habitants au sein et aux abords de la capitale -plus des 4/5 èmes 
              de l'île est inhabitée - nous renseigne très 
              précisément sur la situation des droits humains en 
              ce pays et plus particulièrement sur le droit des femmes. 
            A l'instar de ses cousins norvégiens, dont 
              la quasi-totalité de la culture est issue, l'économie 
              islandaise est caractérisée par l'importance de son 
              état-providence. Economie qui peut pleinement s'exprimer 
              compte tenu du nombre très réduit de sa population 
              et de l'exploitation intelligente des ressources naturelles telles 
              que l'énergie géothermique extraite de son sol volcanique 
              et dont les propriétés sont utilisées pour 
              satisfaire le confort en chauffage des habitants. Les femmes occupent 
              une place très élevée dans cette économie 
              et le marché du travail leur est pleinement ouvert au même 
              titre que les hommes. Le taux de chômage est, d'ailleurs, 
              presque inexistant et la société offre à chacun 
              de quoi vivre. 
            Il faut se rappeler que l'Islande fait partie de 
              ces pays qui prônent l'égalité entre hommes 
              et femmes depuis des décennies et qui tentent sans cesse 
              d'appliquer cette idéologie à l'évolution de 
              sa société avec un certain succès. En effet, 
              les islandaises ont acquis le droit de vote à la fin du 19ème 
              siècle et ont obtenu le droit d'éligibilité 
              au sein d'un parlement dès 1919, en même temps que 
              les suédoises. 
            De plus, de 1980 à 1996, l'Islande a été 
              le premier pays au monde à élire démocratiquement 
              une femme à sa présidence. Les avancées en 
              matière de droits des femmes ont été, alors, 
              l'une des préoccupations majeures du gouvernement. En 1994, 
              une section concernant les droits humains a intégré 
              la constitution islandaise incluant une référence 
              à la spécificité sexuelle et marquant ainsi 
              une volonté inaliénable d'élever le droit de 
              l'individu au plus haut rang de la société. 
            Les femmes ont gagné des sièges au 
              parlement sans pour autant atteindre la parité absolue, l'éducation 
              leur est accessible sans aucune restriction de filière ou 
              de métier. Elles occupent en forte proportion le secteur 
              des services administratifs et sont assez bien représentées 
              dans l'industrie. Des services ont été aménagés 
              afin de faciliter l'insertion des femmes immigrantes venant d'autres 
              pays tels que l'Asie ou l'Europe de l'Est dans le cadre de mariages 
              intercontinentaux, ce à quoi l'Islande n'était pas 
              habituée il y a quelques années. 
            En ce qui concerne la violence domestique ou toute 
              autre forme d'atteinte à l'intégrité physique 
              ou psychique d'une femme, le gouvernement a lancé des campagnes 
              de sensibilisation sur la violence aussi bien à destination 
              des femmes que des hommes. Des services spéciaux ont été 
              créés dans les hôpitaux pour accueillir spécifiquement 
              les victimes de viol ou d'abus quelconques. Des lois ont été 
              votées dans le but de soutenir financièrement les 
              femmes victimes de ces violences et pour endurcir les procédures 
              judiciaires à l'égard des contrevenants. 
            Ainsi, par exemple, ce n'est plus à la victime 
              de viol de prouver la culpabilité du prétendu auteur 
              de l'exaction, mais à ce dernier de prouver son innocence. 
              Les policiers suivent des formations qui leur permettent de recueillir 
              spécifiquement les témoignages de femmes battues ou 
              abusées afin de mieux les guider dans leurs démarches 
              administratives et judiciaires. Cependant, un nombre extrêmement 
              restreint de femmes intentent une action en justice contre leurs 
              agresseurs et donc très peu de cas sont portés devant 
              les tribunaux. 
            Toutefois, et malgré ce panorama presque idyllique, 
              l'Islande n'échappe pas à ses propres faiblesses. 
              Ainsi, malgré des campagnes anti-alcool, anti-drogue et anti-tabac, 
              la consommation de ces substances ne fait que croître, surtout 
              auprès des jeunes. La violence juvénile augmente dans 
              la société et opère une fracture dans ce qui 
              caractérisait auparavant la force de la cellule familiale 
              et, au-delà, de la cellule homogène islandaise à 
              l'échelle du pays tout entier. Sachant que l'alcool est bien 
              souvent à l'origine d'un comportement violent, le gouvernement 
              multiplie les mises en garde auprès de sa population et surtout 
              à l'égard des hommes. 
            Un autre facteur vient entraver quelque peu l'idée 
              d'une société égalitaire sans faille. Les femmes 
              perçoivent un salaire qui reste systématiquement inférieur 
              à celui des hommes, pour une qualification jugée identique, 
              bien évidemment. Une partie de la population vit toujours 
              sous le seuil de la pauvreté et ce problème affecte 
              principalement les familles monoparentales. Le gouvernement s'applique 
              à essayer d'uniformiser le traitement de la rémunération 
              entre hommes et femmes mais se heurte aussi durement aux pratiques 
              ancrées depuis des décennies et qu'il est difficile 
              de faire évoluer. 
            Enfin, il doit faire face à l'émergence 
              encore timide d'un trafic de femmes venues des pays de l'Est en 
              particulier et qui viendraient alimenter les clubs de strip-tease 
              ou le marché de la prostitution islandaise. 
            Il paraît fort intéressant de 
              savoir comment un état tel que l'Islande, uniformisé 
              et égalitaire jusque dans l'âme de sa culture, à 
              l'image de tous les états-providences prenant en charge la 
              totalité des besoins fondamentaux de ses concitoyens, saura 
              réagir pour éliminer le grain de sable qui se sera 
              introduit dans les rouages bien huilés d'une société 
              modèle, et modélisée... 
               
              Thierry Robin - janvier 2001 
               
              Sources : ONU, US dept, CEDEF 
              Island 
               
               
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