Le 9 avril 2001, des centaines de femmes, accompagnées de
leurs enfants, ont effectué une marche de la paix à
travers les rues de Freetown, la capitale de la Sierra Leone. Elles
exprimaient avec courage leur volonté de construire une paix
durable dans ce pays ravagé par dix années d'une guerre
intestine qui aura contraint la moitié de la population à
l'exode et ruiné le pays aussi bien sur les plans économique
que social et culturel. Elles exhortaient tous les citoyens à
se réunir dans un objectif commun d'édifier de nouvelles
valeurs de paix et de tolérance...
Quelques jours plus tôt, l'ONG Human Rights Watch rassemblait
des dizaines de témoignages de femmes réfugiées
de retour de Guinée, pourchassées par les rebelles,
qui accomplissaient leur errance rituelle les menant d'un enfer
à l'autre. Ces récits témoignaient de la terreur
instaurée par les rebelles sur le pays tout entier et sur
la population.
Ainsi, selon les personnes interrogées, tout
commence, soit par une attaque contre un village, soit par un point
de filtration organisé par les rebelles de l'AFRC (Conseil
des Forces Armées Révolutionnaires) ou du RUF (Front
Révolutionnaire Uni). Les hommes et les garçons sont
séparés des femmes et des fillettes. Les premiers
sont enrôlés de force dans l'armée, au risque
de leur vie, et entraînés à accomplir les pires
exactions à l'encontre des civils. Les femmes, elles, font
l'objet d'un triage minutieux. Elles défilent devant les
chefs qui en choisissent quelques-unes pour les servir. Celles qui
seront retenues, deviendront alors leurs esclaves domestiques et
sexuelles. Les autres seront violées par le reste de la troupe,
soit individuellement mais le plus souvent collectivement, avec
une préférence pour les jeunes filles encore vierges,
avant d'êtres relâchées, torturées d'autres
manières, amputées ou tuées. Les actes de violence
commis relèvent des pires atrocités.
De même qu'il a été question
des enfants soldats, drogués et entraînés à
couper les membres des hommes, des femmes et des enfants qui refusaient
de coopérer à la rébellion, la communauté
internationale veut, aujourd'hui, attirer l'attention sur les cruautés
subies par les femmes durant cette guerre civile. Livrées
aux enlèvements, aux viols et à l'esclavage sexuel,
elles perdent leur intégrité et leur identité
psychologique et physique. Ces pratiques attentées à
leur égard sont très répandues dans les zones
de conflits passées aux mains des rebelles. Toutefois, l'armée
régulière du gouvernement s'est également rendu
coupable de telles actions contre les femmes et les jeunes filles.
En fin de compte, la quasi totalité des fillettes et des
femmes qui ont été enlevées, ont été
victimes de viols, de mariages forcés, d'esclavage ainsi
que d'autres formes de violences sexuelles et physiques assimilées
aux pires tortures comme par exemple l'introduction de braises dans
le vagin de celles qui refusaient de se soumettre
En outre, un nombre considérable de femmes
violées se retrouvent enceintes sans qu'aucune assistance
médicale ne leur soit accessible. Le SIDA se développe
alors telle une épidémie et plusieurs femmes qui avaient
contracté le virus sont mortes. Les séquelles traumatiques
sont profondes et déteignent sur la population tout entière.
L'objectif est atteint : détruire l'âme et l'avenir
d'un pays en s'attaquant à la souche même qui lui donne
naissance.
Devant l'incapacité de la part du gouvernement,
corrompu et enclin aux mêmes abus, à apporter une solution
humaine à ce conflit interne empreint de l'ignominie la plus
dégradante, la communauté internationale a fait la
proposition, en 1999, d'un accord de paix entre les différentes
factions armées. Cet accord signé à Lomé
au Togo, garantissait l'amnistie générale de tous
les protagonistes impliqués dans les massacres et les tortures
perpétrés durant les 8 premières années,
en échange d'un arrêt immédiat du conflit et
de la participation des rebelles aux négociations de réconciliation
avec le gouvernement. Totalement à l'opposé de ce
qui était espéré, cet accord de la honte, démontrant
avec force l'inaptitude des instances internationales à s'impliquer
humainement et avec fermeté dans la résolution des
conflits tels que celui-ci, mieux que de garantir l'impunité
aux rebelles et à l'armée gouvernementale des crimes
qu'ils avaient commis, leur assurait la légitimité
des homicides futurs. Et la réalité n'a fait que démontrer
ce que les ONG craignaient : les hostilités n'ont pas baissé
d'intensité. Pire, elles se sont parées de ce sadisme
et de cette provocation qu'affichent ceux qui ont réalisé
que le géant qu'ils croyaient coulé dans l'acier,
n'était, en fait, qu'un épouvantail à oiseau.
Force est de constater qu'aujourd'hui la guerre fait toujours des
victimes et que la manière dont la population féminine
est décimée reste la même
Lorsque nous arrivons à nous extraire des
horreurs de cette lutte armée et que nous nous penchons sur
les articles de la constitution Sierra Léonaise, nous découvrons
que le viol est considéré comme un crime passible
de 14 ans de prison. De même, la femme est reconnue l'égale
de l'homme en matière de droits sociaux, économiques
et culturels. Par contre, il n'existe aucune loi condamnant le trafic
de personne et la violence domestique n'est pas reconnue comme un
problème social. Par ailleurs, les mutilations génitales
féminines se pratiquent couramment au sein des multiples
tribus qui occupent les différentes régions du pays.
Nul doute que la guerre civile a réduit à néant
les maigres bases démocratiques relatives à l'égalité
entre hommes et femmes et a gravement accentué les discriminations
criminelles. Si bien qu'à l'heure actuelle, tout semble se
confondre dans un marasme sanguinolent dans lequel la communauté
internationale ne se reconnaît plus de rôle. En a-t-elle
exercé au moins un ? Mais au fond, quel a été
l'instigateur machiavélique de ce conflit ? Toujours le cur
de l'homme aveuglé par l'éclat d'un petit bout de
carbone, le plus pur qui soit aux dires des experts. La plus grande
ressource de carbone précieux de notre planète. Les
poumons lapidaires du monde asphyxié par le manque d'oxygène
et la carbonisation du cur provoqué par la haine et
la corruption
tous ces éclats précieux que l'on
a volé à l'âme pure des enfants et des femmes
aujourd'hui meurtris, au regard atone et contus, qui ne savent même
pas à quoi ressemble un diamant !
Thierry Robin - mai 2001
Sources : Amnesty, Human Rights
Watch, Expotimes, ONU, US dept
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