Depuis 2 ans, le trafic de femmes de l'Est - surtout Roumaines,
Ukrainiennes ou Moldaves - en direction du marché de la prostitution
bosniaque s'est intensifié dramatiquement. Rien d'original
dans la mise en place de procédures connues et que bien d'autres
pays - d'Asie en particulier - ont depuis longtemps expérimentées
avec succès dans la manière d'alimenter un marché
lucratif à souhait : offres d'emplois factices, enlèvements,
fausses escortes avec faux passeports offerts aux femmes désirant
fuir leur pays. Mais, inexorablement, le même enfer au bout
du chemin où les lumières éblouissantes qui
nourrissaient les rêves d'une vie meilleure se changent en
fades lueurs éclairant les pièces trop petites et
insalubres des bordels bosniaques.
Au Nort-Est de la Bosnie, dans une zone de libre
marché appelé "Arizona", à la frontière
de la Serbie, fleurissent nombre de night-clubs. A l'intérieur
de ceux-ci, les filles sont tout d'abord forcées à
se prostituer au seul profit de leur propriétaire pour être
ensuite vendues entre 500 et 3000 Euros à des tenanciers
de bordels parsemés dans tout le pays. A l'heure actuelle,
d'après les estimations de l'Organisation Internationale
de la Migration (OIM), plus de 10 000 femmes étrangères
ont été introduites dans ce circuit d'exploitation
sexuelle en Bosnie. La crise économique que traverse le pays
depuis plusieurs années facilite le développement
de ce trafic, impliquant le plus petit criminel jusqu'à certains
hauts fonctionnaires de l'état. Les policiers se font également
les complices de certains convois qu'ils protègent en se
faisant payer en retour, soit par des primes, soit par des services
sexuels gratuits.
Au milieu de ce drame humain, les forces internationales
présentes sur place sous l'égide des Nations Unies
ont fait l'objet d'enquêtes qui ont révélé
aussi leur complicité - à travers les actes de certains
officiers - dans des trafics de femmes. Un programme spécial
qui s'intitule "S.T.O.P." a été lancé
pour prévenir et juger ce genre de débordement. Mais
ce projet est allé plus loin dans son investissement local.
En effet, la directrice, Mme Celhia de Lavarene, a voulu élargir
son action à l'inspection de tous les établissements
publics du type café-bar et discothèque. Chaque contrôle
rassemblait une équipe composée de près de
50 policiers, d'un juge dépêché par le ministère
de la santé et d'inspecteurs financiers. "S.T.O.P"
a conduit 279 inspections entre juillet 2000 et fin février
2002 sur 189 établissements suspectés de vivre du
trafic de filles et de la prostitution forcée. Parmi ceux-là,
43 seulement ont été fermés, 2 ont changé
d'activité et 21 ont fait l'objet d'une procédure
judiciaire avec une condamnation à l'issue. Ce résultat
n'est pas satisfaisant pour Mme de Lavarene car il est freiné
par la corruption importante dans ce domaine. Le trafic de femmes
est aussi lucratif que le trafic de drogue ! Leur âge oscille
entre 12 et 36 ans. Les plus jeunes sont enlevées dans leur
pays d'origine et introduites par un autre circuit spécial
"fillettes".
Bien que des mesures pourraient être prises
par le gouvernement pour ralentir la propagation de ce marché,
en attendant de nouvelles lois préventives et punitives pour
ce genre de crime, rien n'est véritablement entrepris. Sans
doute que l'exploitation de cette "marchandise" humaine
panse indirectement la crise économique actuelle du pays.
Il n'est plus suffisant d'utiliser les femmes pour éponger
le sang des guerres : les sociétés en déclin
s'en servent aujourd'hui pour redresser leur économie !
Thierry Robin - août 2002
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