La réalité de la prostitution a toujours soulevé
moult controverses au sein de toutes les sociétés,
anciennes ou modernes. Bien qu'elle soit considérée
comme étant " le plus vieux métier du monde ",
la fonction publique qui réside dans le fait de fournir un
service sexuel rémunéré n'a jamais trouvé
sa véritable place ni même une reconnaissance quelconque
dans quelque pays que ce soit. Ce thème, pourtant mainte
fois abordé dans les " salons " politiques, philosophiques
et familiaux, n'a toujours pas trouvé de réponses
satisfaisantes susceptibles d'apaiser les émotions et de
réconcilier les détracteurs avec les partisans.
Certains soulèveront que le phénomène
de la prostitution est considéré comme un problème
depuis une époque relativement récente où les
droits humains - et en particulier le respect des droits des femmes
- ont pris de plus en plus d'importance dans les discours politiques.
Et bien soit ! Voilà quand même une bonne chose, non
? Car même si nous partons avec nos idées plus ou moins
préconçues sur le sujet, que nous soyons catholiques,
protestants, musulmans, athées, hommes ou femmes, c'est un
thème qui nous touche de près, de très près,
et qui pour le moins, nous sensibilise sur une partie de l'humanité.
J'irais jusqu'à dire que " la prostitution " fait
partie intégrante de notre vie ! La raison en est simple.
La prostitution utilise les ingrédients quotidiens principaux
communs à tous les êtres humains vivant sur notre terre
: l'argent, les rapports hommes/femmes - par extension, les rapports
avec autrui - et la sexualité. Pour la majorité d'entre
nous, tout cela concerne le domaine privé. Pour la minorité
qui arpente les rues ou qui est exposée en vitrines, cela
relève du domaine public, ou plus exactement de l'exploitation
publique. 92 % des prostituées interrogées quitteraient
sans mal l'univers de la prostitution si elles avaient la possibilité
d'exercer un autre emploi. Aussi faudrait-il que les gouvernements
et les communautés respectives, qu'elles soient européennes,
asiatiques, américaines ou arabes, veuillent bien s'en donner
la peine. Le sujet est tellement ambigu, qu'aucun être de
bonne volonté ne peut s'exprimer, en essayant parfois d'apporter
une vision peut-être nouvelle, sans être aussitôt
asséné de questions suspicieuses sur ses intentions,
les raisons pour lesquelles il - ou elle - énonce cette idée.
Mais au fond, êtes-vous pour ou contre la prostitution
? Si nous acceptons de résumer la problématique de
cette réalité humaine à cette simple alternative,
c'est que, soit le sujet nous est, sommes toutes, indifférent,
soit que nous n'avons pas pris le temps de le considérer
suffisamment sous l'angle de l'histoire même de l'humanité,
de ses choix, de ses actes successifs, dans l'intérêt
même des " travailleuses du sexe ". Et alors, lorsque
nous commençons à explorer cette voie, elle se révèle
sans issue ! En effet, tous les arguments en vigueur sur la prostitution,
soit la condamnent violemment, soit lui accordent des raisons louches
en utilisant l'histoire, la complémentarité de la
psychologie des hommes et des femmes qui débouche sur le
rôle supporté par celles-ci d'assouvir certains «
besoins masculins ».
Bref, une multitude d'excuses qui nous font nous
éloigner de l'essentiel, l'essentiel humain ! Car c'est autant
méconnaître que déprécier à la
fois la femme et l'homme que de vouloir les enfermer dans un mode
de relations stéréotypées, sexuelles au demeurant,
où les codes du comportement seraient préétablis.
La prostitution existe parce que la société est patriarcale
d'une part et parce que le rapport avec l'argent fait appel aux
mêmes jeux de rôle. Celui qui achète est dominateur.
En outre, s'il achète un service sexuel à une femme,
la domination psychologique et physique est amplifiée. C'est
une histoire de domination/soumission dont il est question ici et
non pas seulement de services sexuels rémunérés
et dispensés aux hommes. C'est, d'une manière évidente,
le pôle masculin qui domine le pôle féminin accentué
par la notion d'argent et d'exploitation. Il ne suffit pas d'être
féministe pour réaliser cela. Les hommes, représentant
30% des prostitués à Paris, nous permettent de comprendre
la nature de ces rapports domination/soumission, celui-ci endossant
alors le rôle habituellement incarné par une femme.
Le problème est tellement complexe, profondément
ancré dans tous les modèles de sociétés
du monde, qu'il ne peut être résolu en se contentant
de le traiter en surface. Il est nécessaire que nous revisitions
ces valeurs négatives que sont l'exploitation, la richesse,
l'inégalité puisqu'elles ne profitent pas à
tous et que nous redirigions notre intérêt sur des
concepts universels tels que l'humanité, l'amour, l'identité,
le respect et la liberté. Alors, si nos sociétés
futures trouvaient le moyen de concilier ces cinq valeurs primordiales
à l'existence d'un être humain, quel qu'il soit, la
prostitution n'existerait sans doute plus dans son schéma
actuel. Nous parlerions, probablement, uniquement d'Amour et d'échange
comme une énergie qui nourrit et grandit l'être humain
et non plus comme un philtre qui le dessèche et l'anéantit
! C'est une question de niveau de conscience et d'amour que l'on
désire acquérir pour les autres et pour soi-même.
Thierry Robin - septembre 2002
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