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Dossier pays...

_ Népal ________________________


De part sa situation géographique singulière, véritable bout de terre perdu entre les deux pays qui comptent le nombre le plus élevé d'habitants au monde, le royaume du Népal est une enclave charnière reliant les deux gigantesques portes des empires chinois et indiens. Il est l'authentique pivot qui a tenté de faire cohabiter durant son histoire contemporaine, l'hindouisme avec le communisme, la monarchie avec une certaine forme de démocratie, la plus haute et froide montagne du monde avec les plaines chaudes et humides isolées des confins Nord de l'Inde. Pays de l'extrême, sa condition d'équilibriste frontalier reflète parfaitement l'instabilité politique dans laquelle il évolue depuis plusieurs décennies. A tel point que les gouvernements qui se sont succédés à la gestion du territoire n'ont jamais pu apporter une once de réforme à leur constitution durant les 10 premières années de son existence.

A l'heure actuelle, alors que les élections de mai 1999 semblaient marquer un tournant dans la vie politique du pays, car elles avaient permis d'élire un gouvernement majoritaire et donc d'espérer en l'avènement d'une certaine stabilité économique et sociale, le pays reste toujours dans l'incohésion la plus tragique. La pauvreté qui sévit, surtout dans les zones rurales, les violences perpétrées par certains policiers à l'encontre des minorités ou des opposants au pouvoir, la dernière proposition faite par le gouvernement en vue de renforcer le champ d'action des policiers dans la chasse aux dissidents, les cas de tortures, de viols et le nombre de décès en détention, ne donnent pas l'image d'un pays démocratique soucieux des droits humains !

Et lorsque l'on se penche sur l'importance accordée par les autorités dirigeantes à la condition de vie des femmes népalaises, le constat reste sensiblement et dramatiquement le même. Pourtant, en 1990, le royaume du Népal était le seul pays de l'Asie du Sud-est à ratifier sans réserve certaines conventions majeures sur le respect des droits humains et notamment la CEDEF concernant particulièrement les droits des femmes. Dans son désir naissant de s'ouvrir au monde extérieur, il a laissé plus librement rentrer et circuler les différentes ONG voulant s'impliquer dans les causes humanitaires népalaises, parfois à leurs risques et périls en raison de cette même liberté et impunité avec lesquelles les forces de police ont eu la possibilité d'être répressives.

Dans ce contexte politique défavorable, les femmes ne concentrent, sur elles et leurs droits, que peu d'intérêt. D'autant que la puissance des coutumes discriminatoires, pour la plupart empruntées à l'Inde et à la Chine, font des filles et des femmes une classe inférieure, des individus de moindre importance, et ce, avant même leur naissance. Les règles de ces traditions patriarcales expriment déjà que la venue au monde d'un garçon sera grandement plus appréciée que celle d'une fille. Ensuite, comme il est coutume de ne pas savoir ce que l'on va bien pouvoir faire d'une fille au sein des familles, jugée inutile et non porteuse d'avenir, il paraît plus simple de la vendre, avant qu'elle ne devienne "femme", à des trafiquants pour alimenter le marché de la prostitution en Inde, ou bien de les donner en offrande à un temple où elles serviront d'esclaves sexuelles aux prêtres - c'est ce que l'on appelle le système des "deuki" - avant d'être parfois rejetées et livrées à elles-mêmes sur les trottoirs népalais ou d'ailleurs. Certaines familles vont jusqu'à forcer leurs filles à se prostituer afin d'améliorer leur propre niveau de vie. C'est toujours sous le couvert de mariages ou de l'acquisition d'un "bon" emploi que les filles, parfois n'excédant pas l'âge de 14 ans, se retrouvent en Inde ou en Chine dans le cercle infernal de la prostitution. Le nombre de femmes déportées vers les pays voisins est ahurissant : des centaines de milliers au total, des milliers chaque année.

Au royaume du Népal, n'importe quel époux, père ou fils peut violenter sa femme, sa fille, sa sœur voire sa mère sans être inquiété le moins du monde. En effet, aucune loi ne condamne la violence domestique. Les femmes elles-mêmes finissent par croire que cela n'est pas bien grave tant leur quotidien en est imprégné.

Ainsi, le fossé qui sépare la signature de certains traités internationaux, relatifs au respect de la personne humaine, de la réalité des citoyennes népalaises est large et profond. Un abîme qui s'accentue dans l'application permanente de toutes formes de discriminations à l'encontre de leur intégrité, notamment par le manque de scolarisation des filles et le poids délibéré qu'elles constituent pour sa communauté familiale ; par le système de la dot qui incombe à la future mariée, courant le risque d'être battue, parfois à mort, si celle-ci est estimée insuffisante par le futur mari et la belle-famille ; par la quantité, encore trop importante, de mariages qui se révèlent donc précoces et qui sont bien souvent la raison de mauvais traitements perpétrés à l'égard des jeunes mariées à cause de la différence d'âge en vigueur entre les deux époux ; mais, aussi, par le nombre encore considérable de lois qui leurs sont discriminatoires et qui favorisent sans détour les hommes au détriment des femmes, notamment sur les biens de propriété ou les témoignages en cas de procès de femmes violées ou battues ; et, enfin, par cette loi qui interdit la pratique de l'avortement, même en cas de viol, et qui rend passibles, celles qui en feraient l'usage, de plusieurs années d'emprisonnement.

En tout état de cause, le manque d'intérêt évident qu'affiche le gouvernement face à ce genre de problème (sans doute parce qu'il n'a pas la volonté ni l'énergie de vouloir remanier et remettre en question les coutumes et traditions de manière plus directe), participe directement à faire vaciller, voire éteindre, la lueur fragile d'espoir qui briserait l'ombre pesant sur l'édification de lendemains plus justes pour les femmes népalaises.

Sans doute faudra-t-il plus de temps à ce pays pour qu'il se stabilise politiquement et qu'il trouve dans le cœur de chaque homme et chaque femme les chemins qui le sortiront du gouffre et le mèneront vers le sommet le plus haut. Un neuvième plan est en cours de réalisation et vise à assurer à l'horizon 2002-2003 l'égalité entre hommes et femmes dans la société népalaise. Il faudra donc attendre pour apprécier les résultats, mais combien de temps encore ? Car ce qu'il y avait à voir, nous ne l'avons que trop vu ! Si aujourd'hui le Népal est toujours le royaume qui porte le toit du monde, il est loin d'être celui qui le représente : entre la cave et le grenier, il y a l'endroit où l'on vit !

Thierry Robin - mars 2001

Sources : ONU, US dept, Amnesty, Nepalnet, Women anti-discrimination Committee


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