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Analyse actu-femmes...

_ Qui a sauvé les femmes afghanes ? _______


Le 12 novembre dernier, la nouvelle était confirmée : les Talibans avaient déserté Kaboul et les troupes de l'Alliance du Nord étaient entrées dans la capitale de l'Afghanistan, aidées dans leur avancée par les bombardements incessants des avions américains et britanniques.
Aussitôt, des images, relayées par les médias du monde entier, montraient des femmes et des hommes "à visage découvert" ! Les unes libérées de leur voile - la burka - les autres débarrassés de leur barbe, signes distincts qui marquaient la fin de la terreur imposée par le régime des Talibans depuis 5 ans. Nous pouvions distinguer des sourires, craintifs pour certains, incrédules pour d'autres, qui se mélangeaient au sein de cette population meurtrie. Les premiers citoyens interrogés louaient l'intervention américaine. Des femmes jetaient leurs souffrances, issues de 20 ans de guerre et de 5 années d'enfermement total, aux objectifs des caméras des télévisions étrangères qui pouvaient filmer les premières expressions de leur visage dévoilé. Et l'apparence de ce peuple affranchi forçait au respect et à une forme de soulagement international, universel, dicté par la conscience - ou l'inconscience - collective.

Il serait malvenu en effet de ne pas se réjouir du nouveau tournant que prennent les événements en Afghanistan. Ainsi, pas un jour, pas une heure ne se passe sans qu'une nouvelle soit éditée dans les colonnes des quotidiens internationaux, focalisée sur la récente évolution des conditions des femmes afghanes et sur ce profond espoir qu'elles ont de pouvoir participer à la reconstruction politique et sociale d'un Afghanistan tout neuf et apaisé. Cependant, derrière les cris de joie épars et les manifestations de femmes dans les rues de Kaboul, une autre voix se lève, depuis plusieurs semaines déjà, une sorte de "oui, mais &" lancé par des ONG afghanes et étrangères Suvrant sur le terrain. A leur tête, RAWA, l'organisation des femmes afghanes la plus connue dans le monde entier. Et que dit RAWA à travers la multitude de ses porte-parole et de leurs déclarations ? Sur quels points importants nous attirent-elles, ces femmes qui, clandestinement depuis 5 ans (24 ans depuis la création de l'organisation), ont essayé de décrire, à ceux qui voulaient les entendre - ceux qui semblent les écouter aujourd'hui, sont les mêmes qui, il y a 6 mois encore, restaient sourds à leurs appels - la prison de tissu dans laquelle vivaient les femmes ? Elles nous expriment leurs inquiétudes, alors que le monde entier, le pouvoir américain en premier, semble se réjouir de la situation et s'engage de manière quelque peu théâtrale dans la cause des femmes afghanes. "Le retrait des Talibans de la capitale Kaboul est une chose positive. Mais l'arrivée des "violeurs" et "pilleurs" de l'Alliance du Nord dans la ville constitue une choquante et terrible nouvelle pour près de 2 millions d'habitants qui gardent en mémoire les années comprises entre 1992 et 1996 comme des plaies toujours ouvertes". Des milliers de personnes avaient manifesté dans les rues de Kaboul durant les deux derniers mois afin de clamer leur terreur de voir arriver au pouvoir les hommes de l'Alliance du Nord.

D'ailleurs, depuis que les troupes de l'Alliance ont pris le dessus sur celles des Talibans, les exactions à l'encontre des résistants arabes et les exécutions sommaires sont légion au point que les ONG ne cessent de sonner l'alarme aux oreilles des dirigeants du monde occidental qui sont directement ou indirectement impliqués dans cette opération militaire en Afghanistan. Le charisme du commandant Massoud avait pourtant, en apparence, humanisé ces seigneurs de la guerre et du massacre, ces lions, négociant aguerris de l'opium, connus dans le monde entier depuis des décennies et dont le commerce a financé en partie leur guerre et leur résistance ?

Non, le peuple afghan, et les femmes afghanes en particulier, centre des débats actuels dans la volonté d'édification d'une future nation pluriethnique, ne peuvent toujours pas prétendre à une vie meilleure. Tant qu'ils serviront d'arguments politiques, soit pour mener des actions militaires inconsidérées, soit pour redorer l'image de certains dirigeants occidentaux, leur existence ne sera qu'un mirage, un stratagème "utile" entre les mains des puissants de ce monde plus intéressés par les enjeux économiques de la région que par l'éradication du terrorisme international ! Oui, la réalité est bien là : les êtres humains, les Afghans en tant qu'individus, n'ont, en vérité, que peu d'importance face aux préoccupations énergétiques et géo-économiques des pays riches, soucieux de préserver, coûte que coûte, leur niveau de vie élevé et leur confort. En effet, ce pays est un lieu particulièrement stratégique et riche - qui pourrait le croire ? - dont l'Est et l'Ouest se disputent la mainmise depuis plus de 40 ans.

A l'heure où la conférence interafghane se déroule à Bonn en Allemagne et à laquelle 3 femmes ont été autorisées à participer, certaines tensions entre les différentes délégations des groupes ethniques peuvent être relevées. A l'heure où de profonds désaccords surgissent entre les différentes factions afghanes, les organisations humanitaires et les forces américaines sur le déploiement d'une force internationale en Afghanistan, des bombardements violents se poursuivent au sud du pays dans le but de déloger les derniers résistants Talibans. Pendant que la fanfare militaire défile en surface, les autorités dirigeantes des pays développés composent une mélodie "stratégique" en sous-sol !

Les femmes afghanes ne sont pas encore sauvées, non ! Et de ceux qui s'affranchiront de cette noble tâche, dans un esprit de non-violence et de respect absolu de toutes vies humaines, nous n'en connaissons toujours pas le visage ! Mais serons-nous capables de les reconnaître un jour ? C'est une question de choix, une question d'humanité.

Thierry Robin - novembre 2001



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