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Dossier pays...

_ Indonésie ________________________


Géographiquement parlant, l'Indonésie compte cinq grandes îles ou parties : Sumatra à l'ouest, Kalimanta et Sulawesi au nord, Java et Timor au sud et Irian Jaya à l'est. Au total, quelques 17 500 îles forment l'archipel indonésien. Si toutes ne sont pas habitées, celles qui accueillent sur leur sol la société humaine sont le théâtre de conflits incessants qui font des millions de victimes depuis plus de 30 ans.

Pourtant, après des siècles de colonisations et d'invasions durant lesquelles les hindous, les bouddhistes, les musulmans, les Portugais et les Hollandais se sont disputés ou partagés les terres, l'indépendance de l'Indonésie était proclamée en 1945 par le président Sukarno qui édifiera la République indonésienne. 20 ans plus tard, le coup d'état du général Suharto plongera l'Indonésie dans la terreur anticommuniste et une dictature militaire corrompue à l'extrême qui anéantira l'économie et le système politique du pays. En 1998, le général est toutefois contraint de démissionner au profit de Yusuf Habibie qui restera président jusqu'au 20 octobre 1999, date à laquelle il sera remplacé par Abdhuramma Wahid. Ce dernier nommera, sous la pression du vote de la population, Megawati Soekarnoputri, fille de l'ancien président Sukarno, à la vice-présidence. En effet, Abdhuramma Wahid avait été élu de justesse grâce à l'appui parlementaire des partis musulmans qui ne souhaitaient pas voir une femme élue à la tête du pays.

Ce petit tour d'horizon de l'histoire politique indonésienne montre à quel point le sort du pays et de ses habitants a trop longtemps été placé entre les mains d'êtres assoiffés de pouvoir et ne reculant devant rien pour parvenir à leur fin. Les trois dernières années, marquées par quelques avancées démocratiques mais surtout par les multiples conflits opposant l'armée indonésienne, à l'influence politique considérable et assistée des milices anti-indépendantistes, aux factions armées combattant pour l'indépendance du Timor oriental, ont fait des milliers de victimes dans la population. Ce climat de violence folle et désordonnée aura favorisé également l'émergence d'autres conflits meurtriers entre chrétiens et musulmans causant plusieurs milliers de morts.

Et, lorsque nous parlons de guerre, civile de surcroît, nous sommes parfaitement conscients du sort particulier qui est réservé aux femmes en de telles circonstances. Faut-il les rappeler ? Les viols collectifs et nombreux comme moyen d'intimidation dans le but d'affaiblir psychologiquement et mentalement des êtres (hommes et femmes compris) susceptibles de s'opposer à l'oppresseur. Les tortures physiques destinées à créer un handicap qui garantissent la docilité des insurgées potentielles. Les pressions qui font suite à ces exactions et qui assurent l'impunité aux criminels.

Bref, toute une mécanique de la terreur et de la violence bien huilée qui recueille de tragiques succès au détriment des vies humaines qui paieront un lourd tribu à la corruption, la vanité et aux intérêts internationaux. Si l'on ajoute à tout cela un système judiciaire encore incompétent, lui-même corrompu, complaisant avec le pouvoir et l'armée, une constitution parsemée d'entropies en matière de droits humains et d'égalité entre hommes et femmes et disons le, très indulgente avec les différentes formes de discriminations que subissent les Indonésiennes des grandes villes et des minorités ethniques, le pays donne l'image évidente d'être humainement disloqué.

En effet, sur le papier, les femmes disposent des mêmes droits que les hommes. Cependant, et pour prendre un exemple, une directive adoptée il y a plus de 20 ans stipule qu'une femme peut participer au développement de la nation uniquement si cela ne rentre pas en conflit avec son rôle de " femme au foyer ". De même, une loi sur le mariage établit que l'homme est le chef de famille et que la femme doit le considérer comme tel pour elle-même et pour ses enfants. Une autre loi relative encore au mariage donne le droit à l'homme de " posséder " plusieurs femmes si ses revenus le lui permettent. La permission de la première femme est cependant requise mais celle-ci ne s'oppose jamais, ou pratiquement, à son mari compte tenu de la forte pression patriarcale. Les violences domestiques et les viols maritaux sont en augmentation à cause de la crise politique et économique du pays mais, malheureusement, ne trouvent toujours pas d'écho dans un système judiciaire inique et non spécifique. La violence domestique est considérée comme une affaire privée dans laquelle la police n'a pas à s'immiscer. De plus, le viol marital n'étant pas considéré comme un crime par la justice et, conscientes de cela, les femmes ne portent pas plainte lorsqu'elles ont été abusées physiquement. Ainsi, le viol se situe en deuxième place des crimes commis en Indonésie, après le meurtre, compte tenu du fait que dans la plupart des cas les femmes, d'abord violées, sont ensuite battues, parfois à mort.

Le sud-est asiatique est connu également pour être une source et une plaque tournante du trafic de femmes et de fillettes à destination du marché de la prostitution ou du marché du travail en tant que domestiques. Des esclaves, en fait, car les conditions de travail des indonésiennes sont abusives et discriminatoires aussi bien sur le plan social que sur le plan humain : malnutrition, surcharge d'activité et d'horaire, maltraitance physique, abus sexuel sont les exactions contre lesquelles les fillettes et les femmes doivent faire face quotidiennement. Là encore, elles ne sont pas protégées par la loi qui ne criminalise pas le harcèlement ou tout autre forme de comportement discriminatoire dans l'enceinte d'un travail. Le marché de la prostitution reste un problème grave et difficile à endiguer tant la situation économique est désastreuse et profite, en cela, au trafic de fillettes de plus en plus jeunes. Les mutilations génitales féminines sont encore de rigueur dans certaines zones rurales et ne sont pas interdites par les lois.

A l'heure actuelle, la situation politique n'est pas des plus saines. En effet, si le Timor oriental attend toujours de proclamer officiellement son indépendance, d'autres îles révèlent de plus en plus leurs intentions dans le même sens comme le craignait le gouvernement lors de la précédente crise. Même si ce dernier avait adopté en 1998, un plan national d'action en faveur des droits humains pour les années 1998-2003, les crimes perpétrés à l'encontre de ces mêmes droits, bafoués, sont légions et tapissent le paysage indonésien, déjà calciné par la folie des anciens hommes de pouvoir, d'un nuage noir et épais. D'un autre côté, et comme nous devions le craindre, l'impunité des généraux et officiers de l'armée ainsi que les hommes des milices qui se sont rendu coupables de crimes contre l'humanité semble inéluctable. Sur le plan politique, une femme, Megawati Soekarnoputri, " Mega " pour ses partisans, est en passe de devenir la première présidente de l'Indonésie si la procédure de destitution de Abdhuramma Wahid allait à son terme dans les trois mois à venir.

Une femme, au pouvoir, dans un pays à 90 % musulman, fille du père de l'indépendance… et on se prend à rêver. On dit également qu'elle dispose de forts appuis au sein de l'armée et qu'elle semblerait favorable à la promotion d'une politique plus ouvertement nationaliste.
Et si ce n'était qu'un rêve…

Thierry Robin - mai 2001

Sources : Rightderecho, Amnesty, ONU, Human Rights Watch, US Dept., Yahoo actualités


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