Des décennies de conflits armés entre les différentes
factions militaires et paramilitaires, semant la terreur dans le
pays, ont familiarisé la Colombie avec une violence toujours
plus aveugle et sanguinaire
En prenant connaissance des différentes exactions
commises par les Fronts de Libérations multiples qui uvrent
individuellement dans le pays, en essayant de comprendre l'attitude
assez tiède du gouvernement face à ces problèmes
graves, celui-ci étant pleinement impliqué dans les
actions de représailles incontrôlées lancées
contre des présumés sympathisants de la révolution,
en comptant le nombre incessant de femmes et d'enfants déplacés
d'une contrée à l'autre, la Colombie nous laisse la
forte impression d'un pays entièrement livré à
lui-même. Les lois existent, même si elles ne sont pas
toutes claires et précises, mais rien ne semble favoriser
leur application !
Si l'on se réfère à dix ou vingt
ans en arrière, il est évident que la condition des
femmes colombiennes a évolué, tout au moins au niveau
de la constitution. Les efforts ont été fournis afin
de garantir un minimum de droits aux femmes, notamment en matière
d'éducation, de santé, de justice. Les textes de la
CEDEF vont jusqu'à bénéficier de la primauté
sur la législation nationale. Cependant, vu le contexte négatif
dans lequel le pays se trouve, nous ne savons pas si cette orientation
doit nous renseigner sur l'inutilité de la constitution colombienne,
incapable d'établir une base législative protégeant
ses citoyens, s'il s'agit, par ailleurs, d'une véritable
promotion des droits des femmes voulue consciemment par le gouvernement
ou tout simplement d'un pare-fumée destiné à
cacher le manque de préoccupation sociale du gouvernement
?
Ainsi, toutes ces avancées, quelles soient
réelles ou pas, paraissent balayées à la moindre
rafale de mitraillette ! Le gouvernement est là, votant des
lois pour assurer une certaine forme d'égalité hommes/femmes,
annonçant des mesures pour combattre une violence qui s'infiltre
jusque dans l'âme même du peuple colombien, mais il
affiche une bien faible volonté en matière de promotion
et de respect des droits humains. En 1996, fut créée
la Direction nationale de l'égalité des chances entre
les hommes et les femmes. La même année, une loi fut
votée qui criminalisait les actes de violence familiale,
incluant le viol marital. En 1999, un projet de loi est présenté
au Congrès colombien visant à supprimer ce délit
de violence, perpétré à l'égard des
femmes, sur les plans civil et pénal pour le transférer
à la gestion de tribunaux administratifs ! Cette décision
constitue une perte certaine pour l'évolution des droits
des femmes en Colombie si les délits de violence à
leur égard ne sont pas reconnus et traités sur le
plan national. Plusieurs indices montrent, en outre, que la violence
exercée contre les femmes n'est pas considérée
comme grave, notamment lorsque l'instigateur de ce type d'actes
ne se voit condamné qu'à 1 à 6 mois d'emprisonnement,
souvent avec sursis et sous surveillance. Cela montre encore une
fois le manque d'intérêt profond accordé à
la condition de celles qui subissent, de front, les querelles de
pouvoir de quelques hommes.
Chacun y va de sa petite ingéniosité
pour discriminer un peu plus les minorités. Ainsi, les escadrons
de la mort, soutenus par la police et les milices urbaines, s'octroient
la tâche de "nettoyer les villes" des "déchets
de la société" que sont, pour eux, les prostituées,
les homosexuels, les mendiants et les trafiquants en tout genre.
D'un côté, il existe un large marché de la prostitution
qui profite de la pauvreté dont les femmes et les enfants
sont les premières victimes, pour les placer sur le trottoir.
D'un autre, les escadrons de la mort viennent les supprimer !
Autre ambiguïté sur le plan social :
l'avortement représente la deuxième cause de décès
maternels en Colombie alors que celui-ci n'est pas légalisé.
Souvent les femmes demandent le droit à l'avortement en cas
de viol mais cette possibilité ne leur est pas offerte ni
même leur atteinte psychologique reconnue. Certains médecins
considèrent ces femmes comme des criminelles et ne les assistent
pas dans leur volonté d'avoir recourt à cette pratique.
Cette attitude discriminatoire à l'égard des femmes
affecte également le secteur général de la
santé où elles souffrent d'un manque cruel de considération
spécifique à leur condition sexuelle féminine.
Ainsi, la quasi totalité des colombiennes ne dispose pas
d'un accès aux soins suffisant dû à leur sexospécificité.
Bien entendu, la Colombie affiche son lot de discriminations
de base autorisées à l'égard des femmes. Entre
l'éducation, encore difficilement accessible à la
majorité des filles - beaucoup d'entre elles sont obligées
de quitter le circuit scolaire dès la fin du premier cycle
pour réintégrer la cellule familiale ou pour être
mariées très jeunes - et l'insuffisance de prévention
et de protection en matière de violences physique et psychologique,
la guerre civile vient anéantir sur bien des aspects l'espoir
de vie des filles et femmes colombiennes. Peu de cas, comparés
à la réalité des faits et à la dérive
d'abus communément enregistrés en période de
conflits, sont révélés à cause de la
peur de représailles plus importantes et d'exécutions
sommaires.
Il y a bien des présidents et des gouvernements
colombiens qui se succèdent, mais c'est la violence qui se
présente aux élections et qui remporte la majorité
quasi absolue : voilà plus de trente ans qu'elle est au pouvoir
!
Thierry Robin - novembre 2000
Sources : ONU, US dept, Amnesty,
Wom, WorldNews
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