Introduction
La violence domestique en Europe est plus substantiel que nous pourrions le supposer. Des millions de femmes sont concernées ainsi que des millions d'enfants. Longtemps ignorée - plus ou moins volontairement - des pouvoirs publics, longtemps minimisée dans ses effets néfastes sur les femmes et sur l'environnement familial, la violence au sein du foyer nous apparaît dans toute son horreur et son aliénation à travers les rapports récents révélés par divers organismes européens et ONG internationales. Une analyse approfondie de ce phénomène dans nos sociétés nous permettra de mieux en comprendre l'origine et d'entrevoir peut-être une solution dans l'élévation des consciences individuelles et collectives. Etabli en quatre actes, ce dossier nous plongera dans l'enfer, cette " non-vie " dans laquelle sont enfermées des millions de femmes. Un huis clos dramatique où les scénarios sont toujours les mêmes, pratiquement. La distribution des rôles aussi.
Vue d'ensemble
L'UNICEF dénonce la violence domestique comme constituant la violation des droits humains la plus répandue dans le monde. A l'échelle de la planète, au moins un tiers des femmes ont été battues, contraintes à des rapports sexuels ou maltraitées de quelque autre manière, le plus souvent par une personne de sa connaissance (mari, membre masculin de la famille). Près de cinquante pour cent des femmes dans le monde ont été battues ou maltraitées physiquement à un certain moment de leur vie par leur partenaire. De même, une femme sur quatre est maltraitée durant la grossesse. Juristes, militants et autres experts n'hésitent pas à assimiler cette forme de violence à un acte de torture tant ses effets sont terribles sur l'individu. Et pourtant, certains pays semblent avoir pris conscience de l'ampleur du phénomène il y a seulement dix ans.
Ainsi, l'Europe se réveille brusquement d'un long sommeil et découvre avec stupeur cette brutalité que subit, le plus souvent en silence, la gent féminine. Les chiffres sont sans appel : " En Europe, selon les pays, 20 à plus de 50 % des femmes sont victimes de violences conjugales. Cela représente environ 4 millions de femmes " (Commission Européenne de l'égalité des chances - 2002). Ils démontrent que la violence domestique à l'égard des femmes est une réalité contre laquelle il est urgent d'agir. C'est ce que réclament les multiples associations et organisations qui œuvrent sur le terrain et qui sont en contact direct avec les victimes, leur offrant aide juridique, soutien psychologique et réconfort. Les refuges pour femmes battues - de plus en plus nombreux dans les grandes villes - et les services des urgences des hôpitaux accueillent régulièrement des centaines de femmes ayant été violentées par leur conjoint. Toutes les classes sociales sont touchées, toutes les nationalités sont concernées : la violence domestique n'épargne aucune culture dans une Europe cosmopolite, aux identités multiples. Pour toutes ces femmes, leur propre foyer constitue l'endroit même où se manifeste cette violence. Alors que la cellule familiale devrait leur garantir compréhension, sécurité et amour, celle-ci se transforme - du fait de l'agressivité d'un époux, d'un frère, d'un beau-père, bref, d'un homme dans la grande majorité des cas - en un lieu de souffrance, d'insécurité et de haine qui peut même parfois devenir le théâtre d'un meurtre. Ainsi, " En Europe, chaque semaine, au moins une femme est tuée par son conjoint " (Commission Européenne pour l'égalité des chances - Conseil de l'Europe - juillet/2002).
En 1993, après quelques timides approches, les Nations Unies adoptèrent finalement la " Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes ". Ce premier instrument juridique de portée internationale concernant les femmes affirme que la violence dont elles peuvent être victimes constitue une violation de leurs libertés et de leurs droits fondamentaux en tant que personne humaine. Elle énonce par ailleurs la responsabilité qui incombe aux gouvernements de garantir aux femmes l'exercice même de leurs droits.
Pourtant, l'Europe ne parvient toujours pas aujourd'hui à maîtriser ce phénomène et à initier des actions suffisamment efficaces pour ralentir voire éliminer cette violence sexo-spécifique. Les études réalisées sont encore trop incomplètes pour permettre l'identification précise de ce " virus " et de créer les conditions de son éradication. Car il s'agit bel et bien là d'une maladie. Une maladie qui s'est développée sur les bases d'une incompréhension des relations homme/femme. Les causes en sont profondes et tiennent aux structures mêmes de nos sociétés, responsables d'avoir favorisé, au cours des âges, leur tendance patriarcale.
Aujourd'hui, les femmes continuent de payer un lourd tribut à cette forme de discrimination incidieuse parce qu'étouffée par le caractère sacré, intouchable, de la sphère familiale. De leur côté, les instances politiques européennes mettent en place des programmes pour mesurer le dégré d'infiltration de cette violence au sein du domicile conjugal. Ainsi, au travers de témoignages tous aussi poignant les uns que les autres, par le biais de statistiques toutes aussi révélatrices, il a été possible d'établir plusieurs stéréotypes d'attitudes violentes rentrant dans le cadre de la violence domestique. Quelques définitions qui permettent de la cerner, de la comprendre à défaut de pouvoir - pour l'heure encore - l'anihiler.
... A suivre.