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Un espace consacré aux femmes du monde, au cœur des droits humains...


_ ven. 28 mars 2003 ______________________

> “Le Piège - La violence au quotidien” - Julia Rios - Histoire vécue

Une de mes dernières lectures : saisissant ! J'en ai réalisé une critique que je vous fais partager :

C'est à Baependi, petit village à l'intérieur des terres, situé à 300 km de Rio, que Julia rencontre Bradley. Nous sommes en 1979, en pleine période de carnaval, ce moment où le Brésil rêve, chante, danse, oublie une partie de sa misère. C'est le moment aussi où les familles se réunissent et où l'amitié, la fraternité, l'amour s'expriment, débridés. Sous l'impulsion de ses amies et sans attirance particulière au premier abord, Julia accepte “d'accompagner” ce touriste suisse, un peu perdu au milieu de la foule. Il ne connaît pas un mot de brésilien, Julia, elle, parle français. Alors que Julia ne donne aucun signe d'attachement à l'égard de Bradley, lui, multiplie les avances et insiste fortement sur ses sentiments. Finissant par interpréter cette attitude comme du “harcèlement amoureux” Julia accepte de suivre Bradley en Suisse. Elle était sur le point de rentrer en université de Biologie au Venezuela mais, sous les arguments de Bradley, accepte de poursuivre ses études à Genève… Nous sommes en 1980.

Les douze années qui suivirent furent pour Julia une descente en enfer, un cauchemar éveillé qui l'a entrainée au bord du suicide. Tout a commencé doucement, “innocemment”, dirons-nous. Les premières brimades sur sa tenue vestimentaire, les premières “obligations” sexuelles, les premières restrictions, les premières injures, la première gifle, le premier viol. Puis, comme le ronronnement permanent et assourdissant d'une machine, les mêmes actes de violence ont pris, lentement et sournoisement, possession de son esprit, de son cœur, de son corps, de sa vie tout entière. Elle est devenue la “chose” à travers laquelle s'est exercée la phobie destructrice de son époux. A l'instar de toutes les femmes qui subissent la violence domestique de leur compagnon, Julia vivait de l'espoir contenu dans les moments de répit, périodes où Bradley redevenait gentil, mielleux, tendre. « Il peut changer… mon amour va lui permettre de sortir de cette violence intérieure qu'il exerce sur moi », « Un enfant va lui donner tout ce qu'il n'a pas reçu, cela va le stabiliser » se disait-elle. Violée une nouvelle fois, elle eu un fils qui fut durant des années, son seul lien avec la vie, sa seule envie de vivre et de se donner…

De chutes en rechutes, de chantages affectifs en manipulation psychologiques, d'agressions physiques en viols répétés, Julia a sombré dans l'inexistance, le déni d'elle-même à travers sa condition de femme battue, la perte d'identité. Elle a connu aussi l'incompréhension de certaines institutions qui étaient censées lui venir en aide et la soutenir. Elle s'est retranchée dans une lutte amer et souvent humiliante pour survivre, pour “s'en sortir !” et quitter l'enfer dans lequel elle avait glissé et failli se noyer. Des rencontres amicales, parfois fortuites, lui ont ouvert les yeux et lui ont donné cette nouvelle énergie qui l'a poussé à prendre les décisions vitales pour elle et ses enfants. Mais surtout, c'est l'aide fidèle de plusieurs centres d'accueil pour femmes en détresse qui lui a permis de garder l'espoir et de se reconstruire, lentement, une identité…

Le récit que nous livre Julia nous plonge dans cet univers terrible de la violence conjugale. Le lecteur entre de plein fouet dans la vie privée d'un couple abandonné à la dérive sur un océan de larmes et de souffrance. Un face à face avec une réalité qui, tour à tour, nous glace, nous brûle, nous soumet, nous révolte et finit par nous faire tomber dans “Le Piège” de Julia. Il faudra tout son courage, tout son acharnement et tout son amour pour que nous en sortions, libérés, au même moment qu'elle.

Editions Cabédita, CH-1137 Yens sur Morges - http://www.cabedita.ch

Par Thierry Robin - 09:55:53


_ jeu. 27 mars 2003 ______________________

> Méditerranée des Femmes

Du mardi 4 au mardi 11 mars, au centre culturel de Digne les Bains, les " femmes solidaires des Alpes de Haute Provence " ont osé ! Elles ont osé initier durant ces huit jours consacrés à la femme, à son univers, à ses revendications, à ses amours, un véritable débat de cœur et de convictions sur " la sexualité ", d'une rive à l'autre… de la méditerranée. Huit jours où théâtre - " Au plaisir ", fragments des " Monologues de vagin " -, films - quinze au total -, débats - au nombre de quatre -, et rencontres riches se sont succédés dans une organisation sans faille. Il y avait d'abord ces images fortes, vivantes, crues parfois, violentes aussi par la souffrance, la révolte et la résignation que ces femmes courageuses et déterminées jetaient à la face d'un monde encore trop patriarcal. Il y avait un mélange de passion, de joie et de volonté acharnée à dénoncer un certain sexisme rétrograde. Il y avait ensuite ces discussions, réduites à deux ou trois personnes, qui permettaient d'apaiser les émotions et réconcilier les esprits. J'étais là, simple spectateur discret, ne voulant surtout pas briser par une attitude trop " journalistique " le charme à la fois délicat et puissant qui s'opérait devant mes yeux. J'essayais de boire chacune des paroles prononcées, émouvantes pour beaucoup, teintées d'une réalité brutale. Je m'abreuvais aux regards et aux remarques lancés par les jeunes filles et les femmes rassemblées dans le hall, devant les stands extrêmement fournis en documentations diverses sur la contraception, le SIDA, la violence domestique, la sexualité, la prostitution… Tout était bon à entendre, tout était intéressant à lire, à découvrir ! Dans un mouvement permanent, le cœur de ces femmes soucieuses de leurs droits, de leur corps, battait à tout rompre. L'intime côtoyait la foule avec pudeur et respect mais porté par des mots sans détour. L'image du corps féminin s'affichait telle une entité en recherche d'identité, de reconnaissance, du rôle que toutes les femmes devraient absolument jouer, à juste titre, dans les sociétés actuelles et futures, au côté des hommes, à égalité de voix, de voies, de choix, sexuels ou autres ! Le centre culturel bouillonnait de l'expression de toutes celles et ceux qui étaient présents, féministes ou non. C'est ainsi que tour à tour dans l'enceinte de la salle de projection se sont succédés des films tendres et sensuels sur le désir féminin, sur le plaisir partagé, mais aussi des documentaires, comme " Les trottoirs de Paris ", durs, pénibles tant la souffrance de ces femmes tombées dans la prostitution, par hasard ou par marginalisation, crevait l'écran de nos à priori. Et puis, dans la salle, une autre prostituée intervenante exprimait son choix de vivre de son corps en tant que " travailleuse du sexe ". Tous ces témoignages révélaient une profondeur cruelle et attachante, humaine. Il y avait aussi ce film égyptien, " Secret de filles ", qui nous plongeait dans la détresse d'une jeune fille qui se retrouve enceinte, " par accident ", le père et la mère cherchant alors, dans une frénésie mal maîtrisée, à sauver l'honneur de la famille. Ou encore, " Le truc de Konaté " qui montrait comment une femme burkinabé tentait d'éduquer son époux à utiliser les préservatifs pour se prémunir du SIDA. Grave et réjouissant à la fois ! Le nombre significatif d'intervenantes était là pour prouver, s'il le fallait, du sérieux et de l'enjeu d'une telle manifestation. Elles étaient venues du Liban, d'Egypte, d'Algérie, des quatre coins de France pour dire leurs espoirs et leurs attentes, pour parler tout simplement de leurs combats respectifs à défendre et promouvoir les droits, supposés inaliénables, des femmes. Elles se rassemblaient également pour mesurer, à travers leurs expériences, le chemin qu'il restait à parcourir en matière d'égalité sociale, économique et sexuelle.

Toutes les projections, tous les débats étaient riches et salvateurs. Les buffets méditerranéens, avec leurs soupes et leurs salades, étaient colorés et chaleureux. Au final, mieux que d'ouvrir une porte, cet événement culturel posait un acte majeur dans le sens de ce que devrait être l'humanité de demain : un espace où nous apprenons à reconnaître l'autre, cet autre qui nous dilate le cœur et l'esprit dès lors que nous lui laissons les moyens de s'accomplir et de s'épanouir selon sa propre volonté, selon ses propres désirs.

Un lieu où nous ne sommes plus ni homme ni femme, mais des êtres dont l'objectif essentiel est de construire un avenir meilleur, plus juste, sublimé enfin par la vision féminine de ce que devrait être le monde !

Par Thierry Robin - 20:50:09


> Oserais-je en parler ?

Oserais-je parler de l'Irak ? Oserais-je émettre un avis tant la tension entre partisans de l'intervention militaire de la coalition américano-britannique et détracteurs atteint un niveau jamais connu ? De toute évidence, une radicalisation des consciences s'opère actuellement. Inexorablement. Une page de l'histoire contemporaine - la deuxième importante du XXI ème siècle, après les attentats du 11 septembre 2001 et l'investissement de l'Afghanistan par la suite - est en train de s'écrire, dans le désert irakien, sur les corps même des peuples arabo-musulmans et occidentaux. Et les traces laissées par cet engagement - largement controversé - des armées américaine et britannique en Irak seront sans aucun doute difficiles à effacer. Car le monde a changé. Non pas celui dans lequel vivent toujours la plupart de nos chefs d'Etats belliqueux, encore trop éloignés des préoccupations quotidiennes des peuples qu'ils gouvernent, qu'ils endorment ou qu'ils soumettent. Mais le monde dans lequel les petites gens essaient de grandir, de survivre, pour la plupart dépassées par la nature des enjeux inavouables - et inavoués - affichée par leurs " sphères dirigeantes ". Ce peuple - en Occident, en Orient, en Asie - fait petit à petit entendre sa voix et exprime ses idéaux, souvent universels, dénués d'intérêts stratégiques, économiques, géographiques et politiques. Des idéaux relatifs aux droits fondamentaux de la personne humaine et à la paix que des individus rassemblés, unis, lancent à la face d'un monde dans lequel ils ne veulent plus vivre selon sa configuration actuelle. Et ils sont de plus en plus nombreux à trouver les moyens pour mieux se faire entendre. Bref, ainsi, se dessinent clairement, jour après jour, deux tendances planétaires distinctes. Celle qui hurle à la vie par la paix (c'était une voie qui était bien engagée pourtant quoique nous puissions en dire). Celle qui hurle à la mort pour la paix. C'est cette dernière voix intérieure que les autorités américaines et britanniques, principalement, ont choisi d'écouter et de suivre dans le différent qui les oppose à l'Irak et au régime dictatorial sanguinaire de Saddam Hussein.

Un engagement poussé par un sentiment hégémonique américain tel que G. W. Bush en a oublié la caractéristique humaine de ses soldats, ceux-là même qui meurent en Irak pour justifier une cause internationale - personnelle ? - à jamais injustifiable. Non, ce ne sont pas des " CyberCop " ou autres " UltraCop " invincibles et insensibles à la souffrance qui tombent et tomberont encore dans le désert chaud irakien, soulevant, dans leur dernier souffle, face à terre, quelques grains de sable fin. Ils mourront et seront oubliés, comme les autres, ceux de 1990, enterrés par une " tempête du désert ", factice, comme celle que l'on met en scène à Hollywood. C'est préférable... pour l'image et pour la démocratie !

Certains parmi la population américaine en ont conscience. Mais pas tous. Pour l'instant le sentiment patriotique l'emporte sur celui de la peur, de l'horreur. Le jour où une majorité se réveillera et commencera à pleurer ses morts, une fois le quota acceptable dépassé, " la légitimité fictive de cette guerre " - comme l'a répété le réalisateur américain Michael Moore dans son discours " enlevé " aux Oscars - éclatera aux yeux du monde tel un morbide " miroir aux alouettes ". Seuls, celles et ceux qui les auront gardés ouverts sur l'essentiel que constitue la vie humaine distingueront son vrai visage. Et ils n'auront pas peur de l'effrayante vision que renverront ses traits… car ils ne s'y reconnaîtront pas !

Pour faire " le lien " avec ce qui se passe en Irak, je vous propose de consulter le site de l'association ABIR. Visitez la section " Actualités " (dans la colonne de gauche) afin de connaître une autre vision du conflit, du côté de la presse arabe traduite par l'une des fondatrices de l'association. Un petit tour dans les autres rubriques du site vous informera de la situation des femmes et des enfants irakiens, avant le déclenchement du présent conflit. Tout ne peut qu'empirer !

Par Thierry Robin - 14:42:40


Edité le : dim. 30 mars 2003 19:12:56